La mutualisation des réseaux pour la couverture territoriale et les coûts
Depuis 2002, les opérateurs ont recours à la mutualisation pour améliorer la couverture et réduire les coûts de services tel que la téléphonie mobile ou la fibre optique. La plupart de ces mutualisations sont récentes. Nous revenons sur les principales mutualisations mises en oeuvre : le réseau zone blanche F-Contact, la mutualisation Bouygues Telecom-SFR et la mutualisation dans le FTTH.
Les formes de partages d'infrastructures entre opérateurs sont nombreuses : le dégroupage dans le fixe ou l'itinérance dans le mobile en sont des formes. Mais ces dernières années, la mutualisation apparaît chez de nombreux opérateurs, dont certains sont soutenus par l'Etat.
La mutualisation des réseaux a 2 objectifs : partager un matériel existant et/ou partager le coût d'achat d'un matériel et assurer une couverture optimale. Elle peut toucher autant des éléments d'un réseau fixe, tel que le "dernier kilomètre" en fibre optique, ou d'un réseau mobile, tel que des antennes-relais.
En utilisant un seul équipement, les opérateurs peuvent alors éviter des doublons dans leur infrastructure. Elle se différencie de l'itinérance par la propriété de l'installation : dans la mutualisation, les opérateurs hébergés payent pour la création de l'installation et une co-entreprise peut être créée pour accueillir les structures mutualisées.
Actuellement, la France compte 3 plans de mutualisation : le réseau mobile Zone Blanche, le réseau mobile mutualisé de Bouygues Telecom et Numericable-SFR et les zones FTTH AMII partagées entre Orange et SFR.
Le réseau F-Contact, la couverture des zones blanches
Alors que les réseaux 3G commençaient à se développer, l'Autorité de Régulation des Télécoms (ART), l'ancêtre de l'ARCEP, obtient un engagement des 3 opérateurs 2G (Bouygues Telecom, Orange France et SFR) en octobre 2002. Les 3 opérateurs s'engagent alors à couvrir les zones identifiées en 2G comme zone blanche par l'ART avec deux stratégies : l'itinérance sur les antennes existantes d'un opérateur et la mutualisation des installations d'antennes-relais. Les opérateurs se sont engagés à partager les coûts de création d'antennes-relais et les coûts de maintenance.
Certains de ces coûts sont également pris en charge par des fonds publics. Les opérateurs s'engagent sur 200 sites en mutualisation. Chacun des opérateurs va ainsi couvrir les zones blanches et activera le partage du réseau pour les 2 autres. Les opérateurs et l'ART créent alors l'identification F-Contact pour différencier le réseau zone blanche.
En juillet 2003, Jean-Paul DELEVOYE, Ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire, Nicole FONTAINE, Ministre déléguée à l’industrie et Patrick DEVEDJIAN, Ministre délégué aux libertés locales, l’Autorité de Régulation des Télécommunications, représentée par son Président, l’Association des maires de France (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF), les opérateurs de téléphonie mobile, Orange, Bouygues Telecom et SFR, signent un accord pour formaliser les engagements des 3 opérateurs.
Le contrat oblige à installer et exploiter 1250 sites pour couvrir 1638 communes. L'Etat finance l'opération à 44 millions d'euros. Le déploiement est alors géré par le DATAR, la Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité.
En juillet 2004, le ministre de l'Aménagement du Territoire, Christian Estrosi, l'Assemblée des Départements de France, l'Association des Maires de France et les 3 opérateurs signent un accord d'extension de la couverture zone blanche. Ils identifient alors 934 sites pour 1200 communes à couvrir avant 2007 mais seuls les opérateurs financeront leur installation. Les opérateurs s'engagent en septembre 2005.
A fin 2005, le bilan atteint 577 communes dans 45 départements, puis 883 communes à la mi-2006. A la fin de l'année 2006, les objectifs de déploiement sont dépassés : 1071 (contre 1000 attendus) sites mis en service dans 1683 (1500) communes. En 2008, l'ARCEP, l'AMF, l'ADF, le secrétaire d'Etat à l'Aménagement du Territoire Hubert Falco et les opérateurs reviennent autour de la table pour ajouter la couverture de 364 communes en 2G d'ici 2011.
En 2009, l'ARCEP, l'Etat et les opérateurs décident d'adapter le réseau F-Contact à la 3G. Ainsi, les opérateurs se sont engagés à convertir les 3600 communes couvertes par le programme "zones blanches 2G" ainsi que 300 communes supplémentaires.
En mai 2015, l'ARCEP et les 4 opérateurs (Bouygues Telecom, Free, Numericable-SFR et Orange) ont signé un accord pour couvrir les dernières zones blanches identifiées (160 communes) en 2G d'ici la fin 2016 et 2200 communes en 3G d'ici fin 2017, dont une grande partie est une conversion du réseau actuel F-Contact.
Cependant, des communes peuvent encore être mal couvertes en 2G/3G par le réseau mutualisé. Les équipes de l'ARCEP et les mairies des communes peuvent remonter ces absences de réseau à l'Etat qui pourra amender le dernier accord afin que les opérateurs et l'ARCEP étendent le réseau F-Contact.
Mutualisation des réseaux mobile Bouygues Telecom - Numericable-SFR, pour une meilleure couverture en zone moyennement dense
En 2013, Bouygues Telecom et SFR ont décidé de mutualiser leurs réseaux 2G/3G/4G dans les zones moyennement denses. L'ARCEP a décidé d'imposer une interdiction de cette mutualisation dans les villes de plus de 300 000 habitants. L'objectif est de partager 11 500 pylônes des antennes-relais de Bouygues Telecom et de SFR pour la couverture de 57% de la population.
L'accord est signé en janvier 2014 par les 2 opérateurs mobile. Bouygues Telecom assurera la mutualisation du réseau dans le Nord-Ouest (Bretagne, Normandie, Centre et Pays de Loire) et en PACA tandis que SFR assurera le déploiement pour le reste de la métropole et la Corse.

Carte de partage de mutualisation des antennes Bouygues Telecom et SFR (source : communiqué de presse de Bouygues Telecom et SFR)
L'économie réalisée devrait atteindre 20% et 25% d'économies sur les dépenses opérationnelles, notamment l'entretien du matériel. Elle sera de 200 millions d'euros par an pour SFR et 100 millions d'euros par an pour Bouygues Telecom. Une société commune, Infracos, est créée pour supporter les antennes-relais mises en commun. Durant l'année 2015, entre 7000 et 8000 sites devaient être reconfigurés sur la mutualisation.
Durant l'année 2016, les sites restants devraient également passer en mutualisation avec une phase de partage 2G/3G puis une phase d'activation des réseaux 4G (800 MHz). Les sites délaissés par l'accord seront proposés à Orange et Free. Le réseau mutualisé devrait être complètement mis en oeuvre d'ici fin 2017 et l'achèvement complet est prévu pour 2020.
Mais la bataille entre Numericable et Bouygues Telecom pour le rachat de SFR, a mis en pause l'accord de mutualisation durant le printemps 2014. Bouygues Telecom est allé même jusqu'à menacer de rompre l'accord suite à la victoire de Numericable. Néanmoins, Bouygues Telecom et Numericable-SFR ont repris la mutualisation après l'été 2014. En attendant les effets de la mutualisation, Bouygues Telecom offre aux clients SFR une itinérance de son réseau 4G 1800 Mhz pendant 2 ans.
Mutualisation des réseaux FTTH
En 2009, l'ARCEP met en place des règles concernant le déploiement de la fibre optique. Les zones très denses sont délimitées par les communes et les aires urbaines de plus de 250 000 habitants. En dehors des zones très denses, l'ARCEP demande la mutualisation des infrastructures fibre, entre opérateurs FTTH.
En 2010, Bouygues Telecom et SFR signent un accord de co-investissement en zone très dense afin que SFR amène une fibre supplémentaire et loue un espace dans ses NRO pour Bouygues Telecom. L'opérateur en béton utilise l'espace alloué et les fibres mis à disposition par le Carré Rouge pour proposer ses offres FTTH. En expérimentation à Paris, Bouygues Telecom et SFR l'étendront ensuite dans les NRO de SFR en province.
L'Etat avec le Grand Emprunt, lance une initiative, avec des subventions de l'Union Européenne, pour motiver les opérateurs et les collectivités territoriales à fibrer dans les zones moins denses. L'Etat fait un appel à projets de déploiement pour déterminer les intentions des opérateurs et des collectivités territoriales, les zones AMII (Appel à Manifestation d'Intention d'Investissements).
En 2011, Orange et SFR se présentent à cet appel et se partagent des zones à fibrer dans plusieurs grandes villes (hors zone très dense). Des collectivités territoriales, souvent des métropoles et des communautés de communes, proposent également de fibrer pour des Réseaux d'Intérêts Publiques (RIP) dont le déploiement sera assuré par un opérateur de réseau.
En zone AMII, Orange et SFR se sont partagés 9,8 millions de logements. Orange réalisera 7,5 millions de prises et SFR en réalisera 2,3 millions avec un objectif de couverture en 2020. Cependant, suite à la fusion Numericable-SFR, l'Autorité de la Concurrence a autorisé en juillet 2015 Orange à couvrir des communes prévues pour SFR dans les mêmes conditions.
Les RIP, en revanche, sont souvent des délégations de services publiques (DSP) attribuées à des opérateurs de réseaux (Orange, SFR Collectivités, Axione, Tutor,...) qui vont créer et exploiter le réseau.

Carte de mutualisation des communes partagées en zone AMII avec SFR, en co-investissement avec Orange et les autres projets en RIP
Bouygues Telecom a signé avec Orange des accords de co-investissement dans le déploiement de la fibre dans les zones AMII tandis que Free a également signé un accord de co-investissement avec Orange uniquement. Pour l'instant, aucun des 2 opérateurs n'a signé avec SFR.
Quel que soit le réseau en zone AMII, les opérateurs de réseaux (Orange, SFR et les RIP) doivent accueillir n'importe quel opérateur sur leurs réseaux. Cependant, si le réseau fibre est installé par Orange ou SFR, les grands opérateurs sont rapidement présents.
A l'inverse, les réseaux fibre en RIP attirent encore peu les grands opérateurs (Orange, Numericable-SFR, Free et Bouygues Telecom) mais de petits opérateurs tel que NordNet, WiBox, Kiwi Fibre ou Comcable, sont présents. L'ARCEP est en train de normaliser les tarifs entre les RIP et les réseaux fibre des opérateurs.